Le royaume de France

Guillaume ne s’était pas attendu à avoir de telles aides au sein de la compagnie. La présence d’une femme et d’un vieillard dans une bataille semblait quelque peu mal venue.
Pourtant le jeune noble était honoré d’avoir été nommé à la tête de cette unité et avait hâte d’en découdre.

De plus côtoyer autant le Comte, lui laissait entendre, qu’il avait une place particulière au milieu de cette armée, pourtant. Il trouvait son comportement tout de même étrange, il ne mangeait jamais avec lui, et était invisible le jour. Mais telle étaient les privilèges de la haute noblesse. Pouvoir se démarquer par ses habitudes sans être rappelé à l’ordre.

Lors la dernière invitation du Comte, Guillaume suivit attentivement les consignes et présentations. Et il les livrait à eux même. Tout allait se passe ce soir !

Le jeune Baron était encore perdu dans ses pensées lorsque la chroniqueuse du doux nom d’Angèle se présenta. Son sourire charmeur et ses bonnes manières plurent au chevalier, surtout qu’elle lui portait un intérêt tout à fait professionnel, mais qui pourrait facilement se retourner, à son avantage. Cette pensée lui arracha un sourire. Il observa donc la jeune femme la détaillant avec plaisir, et lui répondit d’une voix douce.

- "Demoiselle Angèle, ce sera avec plaisir que je vous conterais quelques détails sur ma personne. Prenons le temps de discuter. Accompagnez-moi, je vais m’atteler aux nombreux préparatifs en vue de la bataille de ce soir."

Le chevalier avait fière allure dans sa tenue de combat. Une armure efficace et légèrement ternie par les ans et le voyage. Guillaume n’avait pas pris le temps de l’astiquer, mais les heures sombres de voyage, ainsi que la vue de la sombre armure du comte, l’avait fait réfléchir sur l’utilité d’une armure brillante et exubérante. Sur ses épaules pendait une lourde cape bleu nuit aux motifs simples et assez discret. Et comme toujours, sa fidèle lame, pendant à sa ceinture, et s’étendant jusqu'à quelques centimètres du sol. Ce serait les uniques possessions dont il aurait besoin pour aller à la guerre.

Il se dirigea donc ensuite vers les écuries afin vérifier l’état des chevaux de la compagnie Tudor. La présence de la charmante jeune femme ferait certainement passer cette journée assez vite.

Angèle observait Guillaume attentivement, il dégageait certes un certain charisme, une grande prestance... mais elle se méfiait de ces atours, ce ne serait pas la première fois que les apparences seraient trompeuses. Il semblait néanmoins préoccupé par la bataille et ses fonctions à la tête de la compagnie. Il faudrait être prudente, car si l'avenir de la jeune femme pouvait être radieux avec les promesses du comte, il n'en faudrait pas moins pour que le rêve se change en cauchemare...

Elle était incapable de se faire une opinion sur le comte. Un mystère si impénétrable l'entourait qu'il semblait impossible de le connaître vraiment. Il avait été si étrange lors de leur première rencontre et celle d'aujourd'hui n'avait pas apporté plus de détails le concernant... néanmoins elle pensait pouvoir en savoir plus puisqu'il souhaitait qu'elle décrive les événements, il fallait aussi en savoir plus sur les hommes qui y prendraient part.

- Monseigneur... interrompit-elle. Pourions-nous parler de vous, de vos origines, de votre allégeance au comte...

Il était clair pour Angèle qu'il lui faudrait se faire une opinion sur De Valsan par sa façon de se présenter. C'était la seule solution pour ne pas éveiller ses soupçons. La jeune femme était intéressée, comme à son habitude.

Le jeune chevalier et se tourna vers la jeune femme, la fixant droit dans les yeux. Un sourire éclaira son visage, il prit une petite inspiration et entama sa présentation

- Guillaume de Valsan, fils et héritier de Seigneur Jacques-Antoine, Baron de Valsan à votre service gente demoiselle…

Ce disant, il avait pris sa douce main dans la sienne et y avait déposé un baise main très galant. Le tout s’accompagnant d’une révérence d’usage à la cour. Ce genre de cérémonial avait le don de charmer nombre de demoiselle qu’avait eu l’occasion de croiser Guillaume. Peut être cela marcherait-il cette fois-ci aussi. Il continua sur sa lancée avec un sourire toujours quelque peu charmeur.

- "Quant à mes origines, voilà un bien vaste sujet… Peut être devrais-je commencer par le tout début, bien que cela me fasse revivre des moments douloureux…" Le jeune baron s’interrompit, affichant alors une expression plus grave. "Je n’étais pas destiné à mener cette vie de chevalier, la voie du Seigneur aurait du être la mienne. Mais dans son infinie sagesse Il en a décidé autrement. Rappelant alors mon frère aîné, je suis devenu le dernier héritier du baron, mon père. Je suis donc retourné au château pour prendre la succession de mon frère et devenir un héritier digne des Valsan.
Notre Baronnie est fidèle au Comté de Beaubourg depuis très longtemps et bien que je n’avais que rarement eu l’occasion de rencontrer le Comte personnellement auparavant, c’est un ami de longue date de mon père. C’est un homme juste et droit, à la fois mystérieux et généreux.
Mais cessons de parler de moi. Et vous jeune demoiselle, quelle est votre histoire ? Comment une si jolie jeune femme a pu atterrir au milieu d’une armée se préparant à la bataille ?!"

L'excellente mémoire d'Angèle, forgée par les quantités de chansons et de musiques apprises, avait assimilé l'histoire du jeune De Valsan, une histoire teintée du passage de la mort tout comme celle de la jeune femme, mais la façon dont Guillaume en parlait était troublante : bien que son expression ait changé, elle ressentait avec difficulté les émotions qu'il éprouvait envers cette événement tragique. Elle qui avait pleuré son père puis sa mère, la laissant seule au monde, elle savait combien une perte pouvait obscurcir la vie de quelqu'un. Était-ce l'éducation du jeune noble qui lui permettait de dissimuler ce trouble ?! Certainement...

Lorsque Guillaume lui demanda des explications sur elle, Angèle fut troublée, personne ne se souciait vraiment de sa vie. La dernière fut le comte qui s'était apparemment renseigné sur elle. Elle hésita à se dévoiler, mais feignant à merveille l'honnêteté, elle raconta :

"Voyez-vous... mon père connait le comte de Beaubourg, lui ayant souvent parlé de moi et de mes talents d'écriture, le comte m'a proposé l'occasion de pouvoir conter cette formidable bataille. Cet honneur ne pouvait être refusé, c'est pour cela que je suis ici, pour que les mémoires n'oublient pas cette prochaine victoire."

La jeune femme était décidemment très habile en tant que comédienne, son mensonge semblait vérité et le ton emprunté ne laissait rien paraître. De plus le sourire charmeur et les traits fins de son visage ajoutaient au pouvoir de persuasion de ses paroles.

Le soir arrive... Comme convenu, la compagnie Tudor se met en marche pendant la nuit, pour surveiller les poternes de l'autre côté de Nantes.

Angèle: le prêtre t'as munie de tout son équipement de copiste. Ton équipement: une dague et une veste en cuir épais.
Guillaume: ton équipement est le même qu'à ton arrivée.
Sylvius: le prêtre semble peu t'apprécier, aussi est-ce de mauvaise grâce qu'il chevauche à tes côtés, en retrait des autres hommes. Tu a pu t'équiper d'une cotte de mailles, d'un petit écu, et d'une épée courte.

Vous êtes tous à cheval.

Arrivés aux abords des remparts, le comte laisse la compagnie à sa mission, et part afin de participer à l'assaut de la ville auprès de son seigneur. En prenant soin de rester hors de portée de projectile des remparts, le petit groupe d'une vingtaine de personnes se dirige vers la poterne désignée par le comte avant de partir.

Arrivés sur place, les hommes d'armes allument des torches masqués par des capotes, afin de ne pas se faire repérer par l'ennemi.
Soudain, tout le monde sursaute alors qu'un énorme brouhaha se fait entendre de l'autre côté de la ville. Bizarrement, personne ne perçoit le moindre bruit de roches fracassées par une quelconque machine de guerre.
Alors que la poterne est étroitement surveillée, les sentinelles désignées par le jeune Valsan vous font part d'une masse de plus en plus importante qui s'amasse devant la poterne, mais qu'ils ne perviennent pas à clairement identifier au vu de la distance les séparant des murs.
Quelques instants après cette alerte, un bruit de cavalcade se fait entendre; visiblement, les cavaliers non identifiés devraient passer à une centaine de mètre de la compagnie embusquée.

Des cavaliers sortent de Nantes au grand galop. Vous ne parvenez à identifier ni leur nombre, ni leur allégeance à cause de l'obscurité et de la distance.

Les voilà, ils étaient fin prêt pour le combat, mais tandis qu’ils attendaient, l’adrénaline affluait dans le sang du jeune homme. Sa première véritable bataille allait être livrée ce soir. Il avait longtemps étudié, et s’était entraîné longuement en vue de ce jour.

Mais contrairement à ses attentes, cela n’avait rien d’une belle bataille à ciel ouvert en plein jour sur de vastes plaines. Ils étaient là tapis dans l’ombre prêt à tuer par surprise les malheureux qui passeraient par là.

Le vacarme fut frappant, enfin, du mouvement, la troupe allait se lancer, le combat. Le sang allait couler. Mais au vu des cavalier se ruant a proximité et dans le noir le plus complet, le jeune Valsan était en bien mauvaise posture pour prendre une quelconque décision, il avait besoin d’informations, de beaucoup plus d’information.

S’avançant vers un des éclaireurs, il ordonne qu’on lui donne un cor, et lui donne ses instructions.

- "Prend ce cor et cette torche, et approche des remparts, vois qui sont ces cavaliers. Si ils sont amis, allume la torche, et fuis. Si ils sont ennemis et qu’ils sont moins d’une cinquantaine, sonne le cor, tu sonneras la charge. Si ils sont trop nombreux reste caché et essaie de découvrir ce qu’ils fuient tel les hordes de démons…
Maintenant va et que la bénédiction de notre Seigneur t’accompagne."

Reprenant sa position aux cotés de ses hommes et des cavaliers, il attendit, observant la petite silhouette disparaître dans l’ombre.

D’une voix assurée, il motiva ses troupes.

-"Tenez vous prêts ! Notre heure de gloire approche."

Puis plus discrètement à l’attention des prêtres et de la demoiselle qui l’accompagnaient.

- "Restez près de moi en toute circonstance, le sang des Valsans veillera sur vous."

Angèle observait avec attention. Elle prenait des notes rapides, faisait confiance à sa mémoire pour étoffer le récit plus tard.

Plus la tension montait et plus elle sentait son sang se glacer dans ses veines. Se serrant un peu plus dans le manteau qui la protégeait du froid de la nuit, Angèle ne savait pas trop où était sa place dans cette absurde démonstration de force tout à fait digne des nobles. Se raccrochant à l'idée que grâce à cela, elle pourrait peut-être remettre sur pieds l'affaire familiale et renouer avec son aisance d'antan, elle continua à observer.

Rapprochant son cheval de celui du jeune baron, elle jeta un regard vers ce dernier, cherchant à mieux comprendre ce qui pouvait passer par sa tête et son coeur en un tel moment.

Quelques minutes s'écoulèrent dans un silence de mort, uniquement brisé par le bruit de sabots s'évanouissant dans la nuit. De longues minutes passèrent avant que la compagnie Tudor ne voie son éclaireur revenir à bout de souffle. La voix brisée par l'effort, il mit pies à terre et s'inclina devant le jeune De Valsan.

"- Messire!... Les cavaliers... ennemis... Le comte de Blois est parmi eux... ai reconnu son étendard... Plus d'une centaine de cavaliers, ils vont... vers le Sud-Ouest... La poterne est encore ouverte..."

De nombreux murmures agitèrent les rangs de la compagnie, mais une certitude l'emportait parmi les hommes: si Eudes avait fui, c'est que le combat dans Nantes tournait à leur avantage... Se redressant, l'éclaireur remis en place son casque qui avait glissé durant sa course.

"- Seigneur, que faisons-nous?"

Un jeune chevalier approcha son cheval de celui du jeune noble. Otant son heaume terni, il laissa apparaître un visage vérolé et brûlé par endroits. Malgré son apparence, il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans.

"- Si nous leur tombons dessus maintenant, ils seront désemparés, une centaine de fuyards ne représentent pas une menace, mon seigneur! Nous devons nous hâter de les rattraper! Si nous attendons trop, ils risquent de nous échapper! Après tout, que peuvent-ils faire contre nous? Le Seigneur et notre sang parlent en note faveur!"

Les yeux brûlant de haine envers le comte de Blois, le jeune chevalier fixait Guillaume.

"- Seigneur, les hommes sont impatients d'en découdre! Ils n'ont pas attendu tous ces jours pour jouer les chiens de garde!"

Quelques assentiments se firent entendre parmi les hommes...

Les cavaliers ennemis s'éloignent, les bruit de leurs sabots s'est déjà évanoui dans la nuit. Une centaine d'hommes en fuite, sortis par la poterne restée ouverte. Que s'est-il passé dans le calme de l'assaut? Pourquoi cette fuite, et pourquoi si rapidement? Autant de questions qui persistent, ainsi que le dilemme: obéir aux ordres, ou bien rechercher la gloire en traquant les fuyards à travers la nuit?